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Critique de la pièce immersive Le FLEAU, mesure pour mesure de Léonard Matton

Léonard Matton, metteur en scène audacieux, nous invite à redécouvrir Mesure pour Mesure de Shakespeare sous un prisme résolument moderne avec Le Fléau. Cette pièce immersive, jouée au Domaine national du Palais-Royal, est une relecture contemporaine qui bouscule les codes du théâtre classique.

Déjà l’année dernière, j’avais eu l’occasion d’assister à une représentation, et je me souviens avoir été frappée par l’ingéniosité de la mise en scène et l’énergie des acteurs. Revenir jeudi dernier a confirmé mes premières impressions : cette production ne cesse de s’affiner, de gagner en profondeur et en intensité.

Un voyage théâtral immersif

Le choix de l’immersion est un pari risqué, mais ici, il est brillamment relevé. Dès l’entrée, les spectateurs sont plongés au cœur de Vienne, ville où se déroule l’action de la pièce. Les frontières entre le public et les comédiens s’effacent, et nous voilà transportés dans un univers où le voyeurisme et la justice s’entrechoquent avec violence. Les décors majestueux du Palais-Royal se prêtent parfaitement à cette relecture, ajoutant une dimension presque sacrée à l’expérience.

Les acteurs évoluent parmi nous, déambulant dans « Les Deux Plateaux”, les colonnes de Buren, nous fixant dans les yeux, nous impliquant malgré nous dans leurs tourments. Cette proximité donne un souffle nouveau à l’œuvre de Shakespeare, rendant les dilemmes moraux des personnages encore plus palpables.

Une distribution engagée et percutante

La distribution est l’une des grandes forces de cette production. Chaque comédien s’approprie son rôle avec une justesse remarquable, alliant passion et subtilité. Angelo, le personnage austère et moralement ambigu, est incarné avec une froideur inquiétante, tandis qu’Isabelle, victime de son propre dévouement, dégage une force et une vulnérabilité bouleversantes.

Mention spéciale à l’acteur incarnant le Duc, qui parvient à jongler avec les multiples facettes de son personnage : manipulateur, sage, mais aussi terriblement humain. Son jeu tout en nuances renforce la complexité de cette figure shakespearienne, nous invitant à questionner la notion même de justice.

Un propos résolument contemporain

Ce qui frappe le plus dans cette version de Mesure pour Mesure, c’est sa résonance avec notre époque. Matton ne se contente pas de transposer la pièce dans un cadre contemporain ; il en extrait la quintessence pour l’appliquer aux problématiques modernes. Les thèmes de l’abus de pouvoir (on est plein dedans n’est-ce-pas ?!), de la sexualité, et de la morale publique sont traités avec une acuité qui dérange, qui interpelle.

Le traitement de ces sujets, loin de tomber dans la facilité, pousse le spectateur à une réflexion profonde sur la nature humaine et sur la société. Cette pertinence fait de Le Fléau une œuvre qui dépasse le simple cadre du théâtre pour devenir un véritable miroir de notre temps, de notre société.

Une mise en scène audacieuse, mais parfois déstabilisante

Si la mise en scène immersive apporte une richesse indéniable, elle peut aussi désorienter. Le choix de l’interaction permanente avec le public, bien que fascinant, peut parfois donner l’impression d’une perte de repères. Certaines scènes, par leur intensité et leur proximité, peuvent même mettre mal à l’aise, un effet voulu sans doute, mais qui ne plaira pas à tous.

Cependant, cette audace est aussi ce qui fait la force de cette pièce. Matton ose, prend des risques, et c’est précisément ce qui distingue Le Fléau des adaptations plus classiques de Shakespeare.

Le Fléau, Mesure pour Mesure de Léonard Matton est une expérience théâtrale à part entière, qui mérite d’être vécue. C’est un voyage immersif et déroutant au cœur de l’humanité, où les notions de justice et de morale sont sans cesse questionnées. Que vous soyez un amateur de Shakespeare ou un simple curieux, cette pièce ne vous laissera pas indifférent. Elle vous happera, vous secouera, et vous fera réfléchir bien au-delà des murs du Domaine national du Palais-Royal. Je vous invite chaleureusement à prendre votre place ici

Bien théâtralement,

Nadine

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